Le 21 novembre 2022

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Commençons par enfoncer quelques portes ouvertes : il ne suffit pas d’être titulaire du permis de conduire et d’être un conducteur attentif pour prétendre à la compétition dans le sport automobile. Comme tous les sports de haut niveau, la course automobile nécessite une préparation physique bien spécifique. Pour les pilotes, certes mais aussi pour les équipes dites de “changement de roues” qui jouent un rôle primordial. Sans elles, impossible d’envisager le moindre podium. Tout au long de l’année, Jérôme Bianchi, préparateur physique attitré des équipes Peugeot Sport, prodigue ses conseils avisés et assure une préparation physique adéquate et rigoureuse à chacun d’entre eux pour une performance optimale sur les circuits. 

 

Rencontre avec un professionnel passionné et averti. 

Jérôme Bianchi, racontez-nous comment vous êtes devenu préparateur physique. 
Au départ, je suis kiné et ostéopathe. J’ai pratiqué le sport de haut niveau quand j’étais plus jeune : 14 ans de rugby au plus haut niveau en France, en 1ère division. J’ai même joué pour l’équipe de France ! À l’époque, le rugby n’était pas professionnel, j’ai donc dû exercer ma profession de kinésithérapeute en parallèle. De fil en aiguille, je me suis spécialisé dans le sport. Dans mon cabinet, ça fait plus de 30 ans que je travaille dans le sport avec de nombreux athlètes de haut niveau : des joueurs de tennis, des footballeurs professionnels, des handballeurs, des triathlètes, etc.
J’avais déjà participé à l’épopée Peugeot dans les années 2010 et j’avais donc déjà travaillé avec les différents pilotes. Je fais maintenant partie du programme depuis qu’il a été remis en route, après la pandémie. On a d’abord travaillé en amont pour préparer surtout la partie “changement de roues”, donc les mécaniciens. Et puis, j’ai été mis en contact avec les six pilotes évidemment. On travaille ensemble depuis plus d’un an et demi.

La préparation physique ne concerne donc pas que les pilotes ? 

Je dirais qu’il est presque plus important de préparer l’équipe de changements de roues, de travailler avec eux de manière à être plus performants autour de la voiture. L'équipe des mécaniciens comporte aujourd'hui 25 personnes. Il est essentiel qu'ils soient hyper performants sur le plan de l'endurance. En effet, outre une réactivité optimale au moment de la course, il leur faut énormément de ressources et d'énergie en amont pour préparer les voitures, monter les stands, réviser les voitures dans les temps impartis. Pendant la course, il faut agir pour changer les roues, être prêt physiquement et psychologiquement : en cas de pépin, il faut savoir faire un diagnostic rapide et fiable avec le reste de l'équipe. Il faut donc une excellente préparation et je pense que nous sommes sur la bonne voie. Les mécaniciens travaillent d'arrache-pied pour que les voitures soient prêtes, ils donnent le maximum d'eux-mêmes sur le terrain. Aussi, je tiens particulièrement à les féliciter pour la qualité de leur engagement.
Quant aux pilotes, ils sont très souvent en déplacement : ils font des courses donc ils entretiennent leur préparation physique. En tant que sportifs de haut niveau, ils s’entraînent tout le temps. Les pilotes vivent à différents endroits (Autriche, en Suisse, à Monaco, etc.) : ils ont donc leur propre kiné. De temps en temps, on se retrouve à Satori, on fait des séances ensemble. Souvent, ce sont des séances de récupération. Mais parfois, je leur fais travailler leurs points faibles. On pointe ensemble les endroits qu’ils doivent travailler de manière plus spécifique pour être plus à l’aise dans leur voiture.
Justement, quels sont ces points spécifiques que les pilotes ont particulièrement besoin de travailler ? 
Il s’agit surtout de la partie basse du dos, la partie du bassin car ils sont installés dans un siège qui doit convenir à trois pilotes différents. Ils ne sont pas forcément tous de la même taille donc dans la voiture, ils sont obligés de mettre un baquet spécial pour être dans les meilleures conditions possibles. Cependant, le baquet ne correspond pas parfaitement à la morphologie de chacun et, au niveau du dos, ils sont plus ou moins bien installés. Cela peut accentuer les problèmes de dos déjà souvent présents. À l’issue d’une course, les pilotes ont d’importantes courbatures sur les muscles fessiers, les muscles stabilisateurs car ils sont tout le temps en train de gainer. Il faut savoir que le pied droit qui appuie sur la pédale est toujours en tension. Donc il y a des tensions qui partent depuis le tendon d'Achille jusque dans le dos. La partie gauche travaillant moins bien, ils sont toujours obligés de stabiliser, de gainer : c’est ce qui provoque toutes ces douleurs.
Moi, je suis là sur toutes les compétitions et également sur tous les essais. Cette année il n'y a eu que trois courses mais l'année prochaine il y en aura six peut-être même sept. On va donc avoir plus de travail à faire en course.
Quelles sont les spécificités de préparation physique en fonction du type de course : Formule 1, rallye, endurance, e-Formula ?

Là où il y a le plus de G (force de gravitation) à supporter, c'est en Formule 1. Donc, dans cette discipline, il y a un gros travail de renforcement musculaire sur la partie haute du dos, au niveau du cou, des bras, des épaules. Il est également essentiel que les pilotes soient « au poids » car il ne faut pas qu'il y ait de surcharge pondérale. Donc en parallèle, ils doivent effectuer un travail cardiovasculaire pour rester toujours au mieux de leur forme. De toute façon, ils sont tous sportifs : ils font de la natation, de la course à pied, du vélo, du tennis, du paddle, etc. 

Pour les courses d'endurance, c'est un petit peu différent : il y a moins de G mais l'effort est plus long et plus répétitif. C'est donc un peu plus compliqué à gérer. Le dos et les avant-bras vont être plus fatigués. C'est pourquoi, pour les pilotes d'endurance, la préparation physique doit être rigoureuse et régulière tout au long de l'année. 

Pour le rallye au contraire ce sont des épreuves très courtes. Les pilotes subissent moins de G mais le renforcement du haut du corps est essentiel pour eux.

La préparation physique a-t-elle une influence sur le mental des pilotes pendant la compétition ?
Quand on pousse ses limites physiques, il y a toujours une dimension mentale qui intervient. Quand ça devient très dur physiquement, le mental prend le pas sur le physique de manière à aller au-delà de ses limites. À travers la préparation physique, on travaille également la partie mentale. Il y a également un autre point important dans la partie mentale, c'est ce qu'on appelle l'émulation. En effet, dans un groupe, il y a toujours une sorte de compétition qui s'installe, même au sein de sa propre équipe. Cette émulation va servir à se dépasser, à se concentrer, à se focaliser sur l'essentiel. La partie mentale est très importante, d'ailleurs certains pilotes font appel à des préparateurs mentaux. Dans le cadre de la compétition Peugeot Sport, nous avons choisi de ne pas l’imposer et de laisser à chacun la liberté de faire appel ou non aux services d'un préparateur mental.
Pour finir, auriez-vous une anecdote ou un souvenir que vous aimeriez partager avec nous ? 
Il y a quelques années de cela, dans les années 2010, nous avions gagné les championnats du monde d'endurance. Nous étions alors très fiers de représenter à la fois Peugeot et la France. À la fin d'une course en Chine, nous nous étions mis à entonner tous ensemble la Marseillaise, de façon naturelle sans nous concerter alors que ce n'était pas du tout prévu. Ce fut un moment fort de groupe : nous avions la sensation d'avoir fait quelque chose d'important tous ensemble. C’est un moment qui illustre bien l'esprit collectif et la mentalité de la famille Peugeot et de la compétition.