La création d’un nouveau modèle de voiture nécessite le concours de nombreux corps de métier. Designers, modeleurs, ingénieurs travaillent de concert pour que les objets imaginés par les uns puissent prendre forme sous les mains des autres. Le designer Couleurs, Matières et Finitions (CMF) est un maillon central de la chaîne. Découvrez le portrait de Maud Rondot, responsable du studio design CMF de Peugeot.

Le parcours de Maud Rondot est un peu atypique. Passionnée de design depuis toujours, attirée par la création et le vêtement, elle débute sa carrière dans le secteur de la mode. C’est lors d’un stage au salon textile Première Vision qu’elle a un déclic : ce qui la passionne dans le vêtement, bien plus que les volumes et le rapport au corps, c’est la matière. Elle se spécialise alors dans le textile, avec une licence puis un master Design textiles et matières.

Fraîchement diplômée des Arts Déco, elle rejoint le secteur automobile en 2015 avec un premier poste de designer CMF chez un fournisseur, qui conçoit et fabrique des systèmes intérieurs modulaires complets.

« Quand je suis arrivée dans l’automobile, j’étais comme une enfant ! raconte Maud Rondot. C’est un secteur qui offre une grande variété de process de transformation et de matières, des matériaux souples aux matériaux durs… Travailler pour un fournisseur m’a permis de découvrir l’industrie par le terrain, de comprendre comment tout fonctionnait. Cela m’a demandé beaucoup d’adaptation, mais quand on aime son métier, cela se fait très vite. »

Première CMF du département design du fournisseur, elle apprend à élaborer des stratégies. « Ce qui m’intéressait le plus, c’étaient la recherche, les process, les matériaux et la façon d’orchestrer tout ça pour créer une expérience unique. »

En 2019, elle intègre les équipes de Peugeot en tant que Chef de projet au sein du département design CMF.

Pour Maud Rondot, chaque nouveau projet implique de nouveaux challenges.

« On crée différemment selon l’expérience que l’on veut donner pour tel segment ou telle cible. Par exemple, le segment B (citadines) est très intéressant, car les modèles se destinent autant aux jeunes qu’à une clientèle plus âgée. »

Les matériaux choisis doivent aussi pouvoir s’adapter à des conditions météorologiques extrêmes, en fonction des pays. De plus, il faut imaginer un objet durable et se projeter dans le temps.

« Un projet automobile s’étend sur 2 à 3 ans. Et, avec l’électrique, le véhicule a un plus long cycle de vie. L’industrie automobile est très exigeante mais, pour moi, être un bon designer aujourd’hui, c’est réussir à bouger un peu les lignes en proposant des choses en rupture. »

Être à l’affût des tendances est indispensable.

« La veille est une partie essentielle du travail, explique Maud Rondot, cela occupe une grosse partie de mon temps. »

Le mobilier, l’architecture intérieure, l’aéronautique – principalement pour l’innovation – sont autant de sources d’inspiration. Comme les chaussures de sport.

« Pour un siège, Peugeot a été l’une des premières marques à sortir un matériau qui était un mix d’alcantara avec une maille 2.0 inspirée des sneakers. »

Il arrive aussi parfois que les tendances d’hier viennent nourrir celles d’aujourd’hui.

« Les matières varient avec les modes : le velours était très en vogue avant, puis il a perdu de son attractivité pendant quelques années. Et là, il revient en force. On emprunte au passé et au futur. Les designers d’hier se sont déjà posé les questions que l’on se pose aujourd’hui. Ils n’avaient juste pas les mêmes outils pour y répondre. »

Le designer CMF est au cœur du réacteur. Il travaille main dans la main avec les équipes des designers extérieurs et intérieurs, le marketing et les métiers techniques, principalement des ingénieurs. Pour Maud Rondot, la bonne coordination de ces trois familles est essentielle à la réussite du projet, en particulier de nos jours.

« Quand on propose un matériau, il doit pouvoir répondre aux attentes du design, de la technique et du marketing. On aime allier la fonction à l’esthétique, ce qui donne des produits très innovants et attractifs. Aujourd’hui, on requestionne aussi tous les corps de matériaux selon leur cycle de vie, leur empreinte carbone. Ceci est un nouveau vecteur de création. Chez Peugeot, il n’y a pas de geste gratuit. » 

À ce jour, la plus grande fierté de Maud Rondot reste son travail sur le concept car Peugeot Inception , pour lequel elle a imaginé, testé, détourné, afin de sortir des sentiers battus.

« On a travaillé avec une approche holistique. Par exemple, quelle serait demain la signature CMF extérieure pour Peugeot ? On a remis en question l’existant, comme le vitrage ou la peinture. Au lieu d’opter pour des vitrages neutres et une teinte de caisse colorée, on a inversé les proportions. On a mis la couleur dans les vitrages et développé pour la carrosserie une teinte de caisse monocouche, moins énergivore en CO2. Le vitrage a reçu un traitement utilisé en architecture, initié par la NASA pour protéger les astronautes du soleil. C’est devenu un matériau vivant qui joue avec lumière, reflète des couleurs chaudes, solaires à l’extérieur, et transmet des couleurs froides, apaisantes à l’intérieur. »

Un travail de plusieurs années, pour aboutir enfin à la découverte de l’objet fini, grandeur nature. Un moment très intense pour Maud Rondot :

« À chaque reveal, l’émotion est indescriptible. Et quand ça nous procure une émotion aussi forte, même à nous qui connaissons déjà l’objet, alors on se dit qu’on a atteint notre but. »